Kata

Création 2017, durée 60 min



Anne Nguyen met en scène les huit breakeurs de Kata comme les derniers représentants d’une voie guerrière, d’un code de l’honneur qui se révèle absurde dans notre monde actuel. Les corps, engagés dans des enchaînements aux allures martiales, tendent vers des adversaires fictifs qui se matérialisent pour donner naissance à des combats dansés. Chaque mouvement de break prend un sens nouveau, transformant les danseurs en samouraïs modernes. Comme dans des véritables katas d’arts martiaux, les formes créées et répétées semblent renfermer des principes cachés. Les gestes se métamorphosent en véritables reflexes de combat adaptables à un maximum de situations. Au-delà de la recherche de l’efficacité martiale, la détermination qui anime les danseurs incarne une forme de spiritualité, d’attitude morale. A travers la pratique de leur art, ils aspirent au perfectionnement de soi, au développement de leur énergie vitale et à l’harmonie avec leur environnement. Mais le monde dans lequel ils évoluent est empreint d’une violence latente et banalisée, soumet l’interaction physique entre individus à de multiples barrières et incite à la passivité. Alors qu’ils prennent du recul sur le paradoxe de leur situation, ces derniers représentants d’une voie dépassée se désengagent peu à peu de luttes qui leur paraissent de plus en plus illusoires.


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Pour en savoir plus

Pour sa dixième création, Anne Nguyen poursuit son travail de déstructuration des gestuelles hip-hop et focalise sa recherche sur le break, sa discipline de prédilection.

« J’ai beaucoup pratiqué les arts martiaux, en particulier la capoeira et le jiu-jitsu brésilien, mais aussi le Viet Vo Dao et le Wing Chun. L’une des caractéristiques de ces pratiques est le rapport au partenaire, qui implique un contact physique. Or, si le contact avec le sol est un des principes essentiels du break, le contact avec l’autre est peu exploité par les danseurs hip-hop, qui commencent par faire le vide autour d’eux avant de danser dans leur “cercle vital”. Le contact avec le sol, le rapport à la Terre, est l’un des éléments qui ont motivé ma pratique du break. Néanmoins, le contact et le rapport avec un partenaire m’ont beaucoup manqué lorsque j’ai choisi d’arrêter les arts martiaux pour me consacrer à la danse. C’est pourquoi j’en fais l’une de mes lignes de recherche principales en tant que chorégraphe. J’ai élaboré des exercices techniques visant à amener le contact dans le mouvement dansé, inspirés des arts martiaux et de principes mécaniques. J’amène bras, jambes et corps à se rapprocher et à se rencontrer de manière dynamique et circulaire dans des espaces réduits. C’est en passant par ce processus que je crée des combinaisons de mouvement à plusieurs danseurs.

Mon maître de capoeira m’a un jour demandé de choisir entre la capoeira et le break : j’improvisais en ajoutant des formes inutiles ou faibles dans mon jeu lors des combats. Le besoin de transgresser les règles et d’aller au-delà du mouvement efficace et utile m’a naturellement poussée vers la danse. Avec Kata, je souhaite tracer le chemin inverse : partir d’une danse faite de mouvements apparemment “inutiles”, le break, et trouver à chaque geste une utilité, comme si tout enchaînement de break n’était qu’un “kata” d’entraînement au combat. Dans Kata, je décompose les mouvements centrifuges du break en des séquences de gestes isolés, et les associe à des principes “utiles” dans le sens du combat et du rapport à l’autre. Les huit breakeurs, individuellement ou au sein de formations parfaitement ordonnées, exécutent des suites de mouvements dansés adressés à des adversaires imaginaires, ou encore se font face dans des combat dansés. Attaques, blocages, esquives, des scènes de combat complexes et intriquées se dessinent au gré du flux et du reflux des “combattants” sur scène, mettant en forme l’énergie guerrière du break.

Je cherche aussi, dans Kata, à sublimer l’esprit martial du break. Cette danse est pour moi un art véritable martial contemporain, elle a été créée par l’être humain pour faire face à un environnement urbain hostile qui le coupe du monde animal et de son rapport à la Terre, et transforme son corps par la violence de ses formes et de ses contraintes. Faute d’ennemis à affronter, faute d’accomplissements physiques à vivre dans le cadre de la vie quotidienne, l’esprit de combativité qui anime le monde du vivant trouve à s’accomplir à travers le break, en réponse à l’oppression que nous fait subir notre environnement. C’est un mouvement spontané de résistance du vivant, une forme de discipline et de rituel, qui permet au danseur de renouer avec des instincts profonds comme ceux de la conquête de puissance physique et de territoire. »
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Distribution

Chorégraphie : Anne Nguyen
Danseurs : Yanis Bouregba, Santiago Codon Gras, Fabrice Mahicka, Jean-Baptiste Matondo, Antonio Mvuani Gaston, Valentine Nagata-Ramos, Hugo de Vathaire, Konh-Ming Xiong
Musique originale (composition et interprétation percussions) : Sébastien Lété
Création lumière : Ydir Acef


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Partenaires

Avec le soutien de l’ADAMI. Coproductions: Chaillot – Théâtre national de la Danse ; CND Centre national de la danse ; Le Prisme – Centre de développement artistique de Saint-Quentin-en-Yvelines ; Espace 1789, Scène conventionnée pour la danse avec le soutien du Département de la Seine-Saint-Denis ; Théâtre de Choisy-le-Roi – Scène conventionnée d’Intérêt National – Art et création pour la diversité linguistique ; Scènes du Golfe, Théâtres Arradon – Vannes, Scène conventionnée.
Remerciements à AOI Clothing et Jean-Baptiste Matondo pour les costumes.
La Compagnie par Terre reçoit l’aide pluriannuelle du Ministère de la Culture / DRAC Ile-de-France, l’aide de la Région Ile-de-France au titre de la “Permanence Artistique et Culturelle”, ainsi que l’aide au fonctionnement du Département du Val-de-Marne.


« C’est la rencontre improbable et hautement acrobatique du hip-hop le plus inspiré et de katas d’arts martiaux ultra codifiés, chorégraphie orchestrée par une passionnée des deux genres, l’artiste Anne Nguyen. Sur scène : huit interprètes emportés par un ballet aux airs de rituel, gestes puissants, maîtrisés, étreintes et combats étonnamment sensuels dont le spectacle est aussi impressionnant de technique qu’enthousiasmant d’énergie. »
Vogue (Octobre 2017)

« Dans ces affrontements, nulle violence gratuite. Sur les percussions obsédantes de Sébastien Lété, les face à face sont moins des corps-à-corps que d’étranges pas de deux, lestés de toute la puissance des gestes retenus. Quant aux déplacements collectifs, ils tracent sur le plateau une série de diagonales incroyablement stylisées et poétiques. Les pieds glissant souplement au sol, les bras tendus en l’air comme des archers de l’invisible, les huit danseurs dessinent une géographie de la résistance. Virtuose sans être démonstrative, leur gestuelle s’appuie sur un break savamment décomposé jusqu’à devenir la trame d’une suite de ‘katas’. Leur simple présence dégage une force pleinement pensée et accomplie, à l’image de la chorégraphie. »
Danser Canal Historique – Isabelle Calabre (16 octobre 2017)